Hebdomadaire Nigérien d'Analyses et d'Informations Générales

 Question: Bonjour M. le Directeur Issoufou Mamane Abdou, comment se présente le potentiel hydraulique dans le département de Bermo?

Réponse: Je voudrais tout d’abord, avant de répondre à cette question, remercier le Journal «L’Indépendant Plus » pour s’être déplacé jusqu’à Bermo à environ 950 km de la capitale nationale (Niamey) et 200 km de la capitale régionale (Maradi), afin de nous donner l’opportunité de parler d’un secteur aussi vital et social qu’est celui de l’Hydraulique et de l’Assainissement.
Ceci dit, le département de Bermo est une entité à vocation essentiellement pastorale avec une population estimée à 77 695 habitants (projection 2023) vivant essentiellement de l’élevage.
Pour ce qui est des potentialités, le département compte un cheptel estimé à 724 326 têtes TEC, un important parcours de plus de 562 100 ha, un Centre Secondaire de Multiplication de bétail (CSMB RANCH FACO) de 28 000ha et une réserve de biosphère de 1 413 625 ha.


Du point de vue ressources en eau de surface le réseau hydrographique est constitué de deux (2) mares permanentes (Akadané et Tiguittou), trois (3) mares semi-permanentes (Oro Bammo, Shefouloto, Djouti) et un nombre important de mares saisonnières ou temporaires qui ne dépassent guère 3 mois après l’arrêt des pluies.
En ce qui concerne les eaux souterraines la zone est caractérisée par la présence des formations détritiques constituant les plateaux du Continental Hamadien (CH) et du Continental Intercalaire (CI). Ces formations sont couvertes soit par d’épaisses couches d’alluvions, soit par des couches récentes du quaternaire ou simultanément des deux à la fois.
Les eaux sont généralement localisées dans les formations aquifères du quaternaire et du Continental Intercalaire/Hamadien (CI/CH).
Le système aquifère du Continental Intercalaire/Continental Hamadien (CI/CH) constitue ainsi le principal réservoir en eau souterraine du département de Bermo et même de toute la région de Maradi. Il s’agit d’un aquifère généralisé multicouche contenant des nappes profondes généralement sous pression à la faveur des intercalations plus imperméables des formations supérieures.
L’essentiel des points d’eau du département captent ces différentes nappes qui sont assez productives et présentant des eaux de bonne qualité.
Quels sont les défis de l’accès à l’eau potable dans le département, surtout quand on sait que c’est une zone pastorale ?
Le département s’étend sur 6 496 km² et dispose comme je l’ai dit d’un potentiel hydraulique considérable en particulier et pastoral en général. Les défis il y en a énormément, on peut entre autres souligner ceux liés à l’alignement de tous pour l’atteinte des objectifs du Programme Sectoriel Eau Hygiène et Assainissement (PROSEHA) en lien avec le sous-programme 5 « Hydraulique Pastorale », la maîtrise des financements et leur utilisation, le défi de la maîtrise d’ouvrage, le respect de la programmation et la réduction de la disparité entre les différentes entités pour être « ensemble » au rendez-vous de l’atteinte de l’ODD6.

Question: Et comment se présente la situation hydraulique de votre département ?


 Réponse: Au 31/12/2021 le département compte 87 Puits Cimentés Pastoraux (PCP), 9 Stations de Pompage Pastorales (SPP), 9 Postes d’Eau Autonomes (PEA) et 3 Forages équipés de Pompes à Motricité Humaine (FE/PMH) totalisant 189 équivalents points d’eau Modernes (éPEM) pour un Taux d’Accès Théorique (TAt) de 36,03%. Comme on le constate, un peu plus de 36 personnes sur 100 ont accès à l’eau sur l’étendue du département sans compter le gap du point de vue de l’alimentation en eau du cheptel. A côté de ça on note un nombre non négligeable de points d’eau en panne (particulièrement les Stations de Pompage Pastorales) et une faible maîtrise des textes en matière de gestion des ouvrages hydrauliques par certains acteurs clés.
Il est important de relever une faible présence des partenaires au niveau du département pendant que les besoins sont énormes au regard de l’importance du cheptel du département et de la mobilité pastorale qui fait de Bermo une forme d’entonnoir encaissant chaque année des flux d’éleveurs provenant des régions frontalières (Agadez, Tahoua et Zinder) et de notre grand voisin du sud, le Nigéria. Aussi, l’essentiel des points d’eau dans cette entité est composé de puits traditionnels qui ne répondent pas au standard (normes techniques de réalisation, maillage …etc) et qui obéissent à une antériorité de droits d’usages partagés avec des tiers.

Question: Quelles sont les initiatives pour amélioration de la desserte en eau potable face à la double exigence de la population et de l’important cheptel ?

Réponse: Pour l’amélioration la desserte en eau potable face à cette double exigence beaucoup d’efforts ont été entrepris avec la réforme du secteur et l’amélioration du cadre juridique. C’est le lieu de citer l’ordonnance n° 2010-09 du 1er avril 2010, portant Code de l’Eau au Niger, qui pose les principes cardinaux en vue d’une utilisation durable, équitable et coordonnée des ressources en eau. Ces principes visent à satisfaire de manière juste et équitable les besoins en eau (alimentation humaine et alimentation du cheptel).
En vue d’opérationnaliser toutes les réformes, un programme de référence a été élaboré par le Ministère, le PROSEHA (2016-2030), qui prend en charge toutes ces exigences ; il est structuré en 5 sous-programmes : Le sous-programme Alimentation en Eau Potable ; le sous-programme Hygiène et Assainissement ; le sous-programme Connaissance, Suivi et Protection des Ressources en Eau (CSPRE) ; le sous-programme Gouvernance ; et le sous-programme Hydraulique Pastorale.
De même, pour prendre en compte la spécificité des zones comme Bermo dites pastorales, le Niger a élaboré et validé la Stratégie Nationale de l’Hydraulique Pastorale (SNHP) avec comme objectif de guider les règles et usages des futurs aménagements en hydraulique pastorale afin d’espérer une durabilité effective des investissements modernes (puits grands diamètres, forages, mares aménagées, axes de transhumances délimités) consentis et le maintien d’une paix sociale toujours plus précieuse.
De par le lien qui existe entre l’eau et le pâturage, la réalisation des infrastructures pastorales (puits, stations de pompage) doit répondre à des exigences beaucoup plus complexes que les infrastructures d’hydraulique villageoise. En dehors des critères d’ordre hydrogéologique, liées à l’existence de nappes productives, l’implantation d’un ouvrage d’hydraulique pastorale doit tenir compte, d’une part, du contexte multi usagers de l’espace pastoral et, d’autre part, des nombreuses considérations foncières qui se trouvent sous-jacentes aux choix des sites d’implantation. A ce titre, l’analyse et les réflexions sur les approches de l’hydraulique pastorale chercheront à définir des méthodologies qui garantissent des accords sociaux préalables entre usagers tant sur l’implantation que sur les règles communes d’usage des ouvrages hydrauliques dans le sens d’une gestion de la ressource établissant le lien eau-pâturage prenant en compte les droits d’usage prioritaires et des tiers.

Dans le Programme Sectoriel Eau Hygiène et Assainissement (PROSEHA 2016-2030), il est envisagé l’atteinte de deux objectifs spécifiques à savoir « assurer l’accès universel et équitable à l’eau potable, à un coût abordable » et « assurer l'accès à l'eau de qualité en quantité suffisante et de façon équitable pour tous les usagers de l'espace pastoral dans la quiétude et la solidarité ». Quel est l’état des lieux de la situation dans votre département par rapport à l’atteinte de ces deux objectifs ?
Réponse: Je profite pour rappeler les deux objectifs généraux du PROSEHA qui sont « Assurer la disponibilité et la gestion durable de l’eau et de l’assainissement pour tous » et « Contribuer à la mise en œuvre de la stratégie nationale d’hydraulique pastorale »
Alors pour l’atteinte de ces objectifs, l’Etat et les partenaires techniques et financiers s’attellent à relever un des plus grands défis qui reste la mobilisation du financement pour la réalisation des investissements en faveur de ces zones à vocation pastorale. Ainsi du point de vue réalisations, le département de Bermo bénéfice de l’appui de l’Etat à travers le mécanisme commun de financement (MCF/PROSEHA) et d’autres partenaires comme le Programme d’Hydraulique Rurale -Appui au Secteur Eau et Assainissement (PHRASEA) qui est à sa 3ème phase, le Projet Régional d’Appui au Pastoralisme au Sahel PRAPS II, et le Programme de Renforcement de la Résilience à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle au Sahel (P2RS). On note à titre d’illustration que le département de Bermo bénéficie dans le Programme d’Urgence 2022 de 498 158 098 F CFA d’investissement pour la réalisation de six (6) nouveaux Puits Cimentés Pastoraux (PCP), trois (3) nouvelles Stations de Pompage Pastorales (SPP) et la réhabilitation de trois (3) Stations de Pompage Pastorales (SPP) et quatre (4) Puits Cimentés Pastoraux (PCP). Ces travaux sont en cours, et permettront une fois terminés, de desservir 6500 personnes ou 650 ménages et leur cheptel, et contribuer au rehaussement des indicateurs d’accès à l’eau. D’autres annonces ont été enregistrées pour l’année 2023 avec les nouvelles phases du PHRASEA III et du PRAPS II en plus de la programmation de l’Etat et nous espérons qu’un autre défi quipourrait être relevé, c’est la réduction de la disparité intra régionale quant à l’atteinte de l’ODD6.


Question: Une autre possibilité pour améliorer l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, est la participation citoyenne/communautaire dans la gestion. Qu’en est-il de cette initiative au niveau de Bermo ?


Réponse: Ce n’est pas de trop de rappeler les efforts consentis par le Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement dans la responsabilisation des acteurs à tous les niveaux en ce qui concerne la gestion des points d’eau. Un outil a été élaboré, adopté par arrêté N° 0115/MEE/LCD/SG/DL du 15 octobre 2010 et révisé récemment après plus d’une décennie de mise en œuvre. Il s’agit du Guide de Gestion du Service Public de l’Eau dans le domaine de l’Hydraulique rurale, qui a pour objectifs d’accompagner les Collectivités Territoriales dans le Développement du service public de l’eau au Niger. Il a été élaboré pour définir et clarifier les missions et fonctions, les responsabilités et rôles, les tâches et les relations, des acteurs impliqués dans la construction, la gestion, le suivi et le contrôle des infrastructures d’alimentation en eau potable en milieu rural, en prenant en compte les orientations nationales en matière de décentralisation et de déconcentration, notamment le Transfert de Compétences et des Ressources aux Collectivités Territoriales dans les domaines de l’Education, de l’Hydraulique et de l’Assainissement, de la Santé et de l’Environnement conformément aux décrets 2016-075 et 2016-076 du 26 janvier 2016 ; puis l’arrivée à termes en 2015 des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et l’avènement des Objectifs du Développement Durable (ODD) pour la période 2016-2030.
La révision du Guide a été motivée pour prendre en compte toutes ces nouvelles orientations et les insuffisances constatées dans sa mise en œuvre.
Parmi les acteurs clés de la gestion des ouvrages on retrouve les Associations des Usagers du Service Public de l’Eau (AUSPE) qui ont pour principal rôle la défense des intérêts des usagers. Elles représentent l’interface entre la commune et le délégataire dans la gestion de type affermage.
Un autre outil de planification a été initié depuis quelques années par le MHA appelé « programmation ascendante ». Basée sur les Plans Locaux de l’Eau et de l’Assainissement (PLEA) elle constitue l’outil de détermination des besoins en services individuels ou collectifs d’eau potable et d’assainissement émanant des communes. Les PLEA sont réalisés et exécutés par les communes avec une assistance technique des structures du Ministère. Leur élaboration est basée sur une approche participative impliquant toutes les couches de la communauté.
Ce qui montre à suffisance le degré de prise en compte de la participation citoyenne tant dans la détermination des besoins (la programmation) que dans la gestion des ouvrages hydrauliques et d’assainissement.

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