Hebdomadaire Nigérien d'Analyses et d'Informations Générales

De part les instruments juridiques internationaux auxquels le Niger a souscrit, l'éducation est un droit pour tout citoyen. L'État garantit l'éducation aux enfants de 4 à 18 ans. Et selon l'article 8 de la LOSEN, la loi No 98-12 du 1er juin 1998 portant orientation du système éducatif nigérien, " L'éducation est un droit reconnu à tout citoyen nigérien, sans distinction d'âge, de sexe, d'origine sociale, raciale, éthique ou de religion".

Ce sont les dispositions de cette loi et même de la loi fondamentale que certains parents court-circuitent pour écourter la scolarité de leurs progénitures au profit de l'aventure migratoire. Ce phénomène est perceptible dans certaines localités de Zinder, frontalières du Nigeria, comme c’est le cas dans le département de Kantché. Ces pratiques concernent principalement les femmes qui migrent vers le Maghreb en embarquant leurs enfants qui sont le plus souvent scolarisés pour leur servir d'aides mendiants ou de mendiants en Algérie ou en Libye ou de mains d'œuvres dans la zone du Djado.


Les statistiques de l’évolution des enfants en mobilité de la région de Zinder se fluctuent de façon intéressante. A titre illustratif, le nombre des cas de ces enfants en âge d'aller à l'école est respectivement en 2021 de : 522 enfants dont 87 filles qui se trouvent dans les tranches d'âges de 6 à 12 ans et 562 enfants dont 34 filles de 13 à 15 ans en mobilité. Et pour le 1er Semestre de l'année 2022, le nombre des cas se présente comme suit: 1993 enfants dont 834 filles âgés de 6 à 12 ans et 1233 enfants dont 363 filles âgés de 13 à 15 ans. Toutes ces vagues ont été refoulées dans le cadre de la migration.
"La situation ne fait qu'augmenter puisse que pour les quatre (4) mois passés, au moins 50 enfants en moyenne sont rapatriés. Pas plus que le lundi 27 octobre 2022, au moins 150 enfants sont rapatriés. Les âges varient de 6 à 14 ans pour la plupart. On remarque malheureusement que ce sont des enfants qui devaient être sur les bancs de l'école que les parents enlèvent pour l'aventure de la migration afin de servir d'aides mendiants pour les femmes de la zone de Kantché" s'inquiète Omar Na Handé, Chef Service Protection des enfants à la Direction Régionale de Promotion de la femme de Zinder.
" Cette situation est une réalité pour les enfants qui partent en migration. Car, même s'il y a des cas très rares d’enfants qui reprennent après la suspension de leur scolarité, on peut chiffrer cela à 98 ou 99% d'abandon définitif pour cause de migration.
L'impact est très négatif. Car, même les enfants qui arrivent à reprendre leur scolarité après l'avoir abandonnée pour ce voyage incertain, réussir à les mettre aux pas (comme ceux qui n'ont jamais rompu avec l'école), ajuster leurs niveaux, est un parcours de combattant. On essaye de les " réinsérer " même si parfois, ils reviennent avec un âge largement au-dessus de celui d'un enfant normal en parlant de niveau" explique sous l’anonymat un responsable académique de la DDEN de Kantché.
Les avis sur les causes du départ des enfants scolarisés parmi ceux qui accompagnent leurs mères à la migration sont diversement interprétés par les différents acteurs concernés.
" Si vous voyez les femmes partir avec les enfants, c'est que la situation est critique. Aussi nous ne partons pas avec tous les enfants, nous prenons quelques-uns et nous laissons les autres à la maison. Cela est dû à la pauvreté, nous n'avons pas de quoi les nourrir, si l'enfant revient de l'école, qu'est-ce nous allons lui donner? C'est pourquoi nous les prenions pour partir avec eux. Mais si on nous appuie, nous allons les laisser étudier" martèle Safia, une migrante du village de Gomba, Kantché
« Moi, lorsque j'avais décidé de partir avec ma fille en Algérie, j'avais beaucoup réfléchi sur son étude et à cause de l'école, j'ai laissé tomber. J'ai vu que l'étude est plus importante que la migration », renchérit Mme Lareye Mani du village de Gomba Kantché.
" Ce qui nous dérange et nous surpasse c'est cette pratique des femmes d'ici. Vous allez voir la femme se lever le jour du marché, faire ses effets sans consentement de son mari pour partir en exode avec ses enfants. Quand toi, son mari tu lui demandes, elle va te dire que nous n'avons rien, qu'est-ce qu'on va faire ? S'indigne Oumarou Garba, père de famille à Matameye.
" C'est la pauvreté et l'ignorance qui les poussent à partir. Vous allez voir des femmes issues des familles aisées lesquelles, au lieu de rester s'occuper de l'éducation de leurs enfants, partent pour l'aventure. Selon moi on doit rester encourager son enfant à étudier, mais pas arrêter sa scolarité mettant ainsi fin à son espoir d'avenir si déjà toi, tu as sacrifié ta vie." ajoute pour sa part M. Issoufou Salissou habitant de Gomba.
Pour le Directeur d’école de Gomba, cette migration des enfants constitue un handicap pour le système éducatif et une violation des droits des enfants à l'éducation. On ne supporte pas de voir les parents partir avec nos élèves. Nous enregistrons des abandons massifs d'élèves dans le maigre effectif dont nous disposons suite à la migration des parents. C'est pourquoi nous demandons à l'État et ses partenaires d'appuyer les parents en Activités Génératrices des Revenus pour maintenir les enfants à l'école et garantir leur droit à l'éducation’’ a-t-il conclu.
Des mesures alternatives sont prises afin de garantir le droit à l'éducation de ces enfants en mobilité de la zone de Kantché. Les autorités départementales poursuivent les séries de sensibilisation de la population sur cette pratique néfaste des femmes. Au cas échéant des mesures répressives sont prévues par la loi. C'est le cas récent des femmes de la zone de Kantché appréhendées à bord de trois véhicules de marque HIACE en partance pour l'Algérie via la région d'Agadez, apprend-t-on des sources départementales. Au total 75 enfants sont arrêtés avec leurs mères et conduits tous à Zinder pour investigations, ajoutent ces mêmes sources.
" Pour permettre aux enfants de jouir de leur droit à l'éducation, les enfants de retour sont réintégrés dans les écoles et ceux qui sont âgés sont reversés dans les écoles passerelles avec l'appui des partenaires" souligne la DREN de Zinder.
" En tant que partenaires d'appui, nous faisons des actions de sensibilisation pour le retour en famille, les conseils aux parents, la prise en charge psychologique pour ceux qui sont malades , souvent les enfants qui sont plus jeunes entre 6, 7 et 10 ans.
Au niveau de ACMEF on ne fait pas de prise en charge c'est pourquoi souvent nous faisons l'orientation vers la Direction Régionale. Nous menons quand même des actions de sensibilisation et aussi des entretiens avec les parents dans le cadre de la mendicité et de l'orientation des enfants dans le centre de formations CFM" a fait remarquer Fatouma Zara Ali Responsable de l’Association Contre la Mendicité des Enfants et des Femmes ACMEF de Zinder.
" Nous travaillons de concert avec les services compétents de l'éducation pour faire retourner les enfants de 6 à 12 ans dans les écoles. A cet effet, beaucoup d'enfants ont pu regagner les bancs. Pour ceux qui sont âgés de 14 ans à plus, nous cherchons des organismes partenaires pour leur placement dans les centres de formation de leur choix (UNICEF SWISS-Contact) mais c'est minime du fait que peu d'enfants ont cette chance" soutient Omar Na Handé Chef Service Protection des enfants à la Direction Régionale de la Promotion de la Femme de Zinder.
Ainsi ce phénomène de migration des femmes avec les enfants mérite une attention toute particulière des décideurs afin de garantir le droit à l'éducation des enfants de la zone de Kantché comme le stipule l'article 12 de la Constitution de la 7e République à son alinéa 1er qui précise que " chacun a droit à la vie, à la santé, à l'intégrité physique et morale, à une alimentation saine et suffisante, à l'eau potable, à l'éducation et à l'instruction dans les conditions définies par la loi". Et au-delà réintégrer socialement ces enfants qui reviennent pour la plupart avec d'autres comportements copiés dans les terres d'accueil, notamment la consommation des Chicha et autres produits. Ce qui devient très difficile pour certains de reprendre les chemins de l'école une fois rapatriés

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