La fin de la saison pluvieuse est la période où on enregistre des descentes des animaux vers les zones de cultures, ce qui provoque souvent des conflits entre agriculteurs et éleveurs et entre agriculteurs eux-mêmes. C’est pour évoquer ces problèmes, leurs causes et les mesures pour y faire face que nous nous sommes entretenus avec le Chef de groupement peulh de Zinder, sa Majesté Elh Hadi Gourgoudou, ancien cadre de l'élevage à la retraite.
Question: Votre Majesté quelle est la situation actuelle de mouvement des troupeaux en cette fin de saison pluvieuse ?
Pour le moment la situation est assez calme et actuellement les troupeaux sont concentrés vers la zone intermédiaire c'est à dire celle comprise entre la zone pastorale et la zone agricole. La situation est vraiment est très calme même si nous avons observé un mouvement dense, un mouvement assez important actuellement des troupeaux " Faru-Faru" du Nigéria qui ont commencé déjà la descente. Cela fait presque une semaine qu'ils ont progressé, beaucoup sont rentrés au Nigéria. Et Dieu merci ça n'a posé aucun problème, cette année ils suivent les couloirs de passage. Chez nous les couloirs de passage commencent à partir de Gouré jusqu'au Nigéria, c'est tout au long du goudron. Ils les empruntent, il y' a des espaces pastoraux, des enclaves pastorales là où ils passent les nuits, on y trouve des mares sur la route. Ça n'a jamais posé de problème.
Question: Qu'est ce qui constitue une menace selon vous en cette période ?
Le seul grand problème qu'on craint, c'est la descente de nos propres animaux y compris les autres aussi. La majorité se trouve encore en zones pastorales et en zones intermédiaires donc c'est ce mouvement là qu'on craint. Actuellement les gens sont en train de faire le sarclage, la mise dans le grenier...
Cela nous pose des problèmes car nous avons besoin au moins d'un mois pour permettre à nos agriculteurs de récolter et de mettre à l'abri leur récolte.
Ce qui veut dire que c'est la période, le moment propice pour aller vers ces éleveurs pour leur dire encore de rester un peu plus d'avantage sur les zones pastorales. Dieu merci cette année la pluviométrie a été assez abondante, les mares sont actuellement presque pleines, le pâturage y est. Mais quand vous prenez la zone de Kellé, un peu dans la zone pastorale, il y a des poches des sécheresses là où vraiment nous n'avons pas eu de pâturage et ça va poser des problèmes voilà notre inquiétude.
Question: Vous en tant autorité coutumière qu'est-ce que vous faites pour prévenir les conflits entre agropasteurs?
Nous sollicitons auprès des ONG et associations des appuis afin de retarder un peu la descente des animaux dans les zones de cultures. Comme vous le savez, cette sécheresse n'a pas touché que le pâturage, ça a touché aussi nos cultures parce que cette sécheresse était intervenue au moment d'épiaison du mil et s’il y a la sécheresse, le mil flétri quel que soit l'abondance de la pluviométrie ce serait très difficile de récupérer ce mil-là. Vous voyez de part et d'autre nous avons des poches de sécheresse un peu partout et des sécheresses dues aussi aux cultures qui ont flétri voilà le problème que nous vivons actuellement.
C'est pourquoi nous lançons des appels aux agriculteurs et éleveurs surtout au niveau des agriculteurs c'est de précipiter les activités agricoles, les récoltes, les ramassages de leurs vivres et de les mettre dans le grenier. C'est imprévisible de dire aux agriculteurs voilà le moment précis où les éleveurs vont amorcer cette descente-là. Donc nous les encourageons très rapidement sans répit de ramasser tout ce qu'ils vont récolter. Voyez c'est pénible au Niger une zone complètement sahélienne nous n'avons que quatre (4) mois de pluviométrie et après c'est la saison sèche, il n'y a rien. Ce qu'on a prévu pour quatre (4) mois-là, c'est ça qu'on va manger durant les huit (8) mois qui restent. Je lance un appel vibrant aux agriculteurs pour vraiment ramasser leur récolte. Ça ne dépend pas d’eux, ça dépend de la pluviométrie, actuellement le mil est en train d'être récolté, c'est surtout la récolte d'arachide qui est faite. Aux éleveurs, nous leurs demandons de respecter, d'attendre. Nous avons des mares qui sont pleines, nous avons assez du pâturage qui peut les maintenir encore pendant quelques jours. Ça peut attendre un mois, c'est ce que nous souhaitons, le mois-là c'est ce qu'on demande aux agriculteurs de récolter et aux éleveurs de rester au niveau de la zone pastorale et au niveau de la zone intermédiaire pour permettre aux agriculteurs de finir pour ainsi amorcer la descente sans aucun problème.
Question: Que font les autorités coutumières et communales pour vous accompagner dans vos actions de conciliation entre agriculteurs et éleveurs ?
Les autorités coutumières leur rôle, c'est l'appui conseil pour vulgariser les textes du code rural avec les commissions foncières, de dire aux agriculteurs d’accélérer pour les récoltes. Les autorités administratives quant à elles, doivent dépêcher au niveau régional, au niveau départemental des missions qui vont rencontrer les éleveurs leur dire d'attendre encore un tout petit peu. La sensibilisation est très importante, surtout quand les éleveurs commencent à descendre pour profiter des résidus agricoles et bien il faut leur dire s'ils viennent, ils vont causer d'innombrables problèmes, vaut mieux les faire attendre.
Les communes doivent mobiliser des fonds nécessaires pour protéger les récoltes et ce sont des missions de sensibilisation qu'il faudrait organiser avec des associations d'éleveurs, des autorités administratives et coutumières qui doivent remonter dans les zones pastorales et dans les zones agro-pastorales pour dire aux éleveurs de rester un peu plus longtemps dans ces zones pastorales et intermédiaires.