La région de Tillabéri traverse un contexte sécuritaire des plus préoccupants, caractérisé notamment par de nombreux cas d’exactions, suivi parfois d’assassinats ciblés répertoriés parmi les populations locales. Ces dernières sont prises en victimes collatérales de violences récurrentes, qui prennent leurs sources dans des heurts, le vol de bétail, le prélèvement forcé de la zakat et divers affrontements entre les groupes armés et les forces de défense et de sécurité. Cette situation entraîne à chaque fois des mouvements de population fuyant ces zones réputées peu sûres, vers les centres urbains. Au nord de Tillabéri, à Banibangou, au Nord-ouest dans le département de Ouallam, commune de Tondi-Kiwindi, dans les localités de Mangaïzé et Tarom, dans le département de Torodi, et dans la périphérie de Téra et au nord Ayorou, la situation est alarmante. Et la conséquence directe de cet environnement conflictogène est le délitement de la carte sanitaire dans un contexte de résurgence des épidémies.
C´est dans ce contexte que Médecins Sans Frontières(MSF) mène des activités depuis 2018, pour soutenir le ministère de la santé, et soulager les souffrances de populations civiles. L´organisation fournit une assistance médicale et humanitaire régulière à Tillabéri.
En 2021, pour répondre aux besoins sanitaires de la population et faire face aux problèmes de référencements dû aux anémies sévères causées par le palu grave, au pic palu, et aux exactions sur les populations civiles avec des blessés graves, MSF a réhaussé les plateaux techniques des CSI de Ayerou et de Banibangou. L’ONG a procédé également à la réhabilitation et la construction des infrastructures au niveau du district de Torodi.
Selon Joseph Nyembo, coordinateur terrain du projet de Torodi, MSF a commencé par la réhabilitation et la construction des infrastructures dans le district sanitaire de cette localité. Ensuite les équipes de MSF ont réhabilité deux centres de santé intégré ou les activités de soins de santé primaire se réalisent (CSI Torodi et Makalondi). Pour poursuivre son but, MSF a fait don d´immobiliers, de matériels de soins, pour permettre aux personnels de santé de travailler dans des conditions meilleures, de faire la prise en charge rapide des cas d´urgences, au niveau de la salle d´urgence et de soins intensifs, précise le responsable du projet.
Toujours dans son souci d´offrir aux populations des soins de qualité, Médecins Sans Frontières a construit un stock de pharmacie basé dans le district sanitaire de Torodi dont l´objectif est de ravitailler les structures et faciliter l´approvisionnement afin de pallier les ruptures intempestives des intrants ou médicaments.
Ayant observé que les admissions qui ont eu lieu pendant le lancement de la salle d´urgence et de soins intensifs étaient plus des cas d´enfants souffrant de palu graves avec comme complications les anémies sévères, l´organisation a mis en place toutes les mesures pouvant répondre aux besoins de la prise en charge des cas d´anémies sévères. D´avril à décembre, l´unité de soins d’urgence et soins intensifs au niveau de l’hôpital de district de Torodi, la SUSI, a fait : 778 admissions aux urgences, 367 patients provenant dudit SUSI, du CSI de Makolondi, et de la maternité de Torodi ont été, eux référés vers Niamey. 554 personnes atteintes de palu grave ont bénéficié de prise en charge au niveau du SUSI.
Joseph Nyembo fait remarquer qu´il y a eu beaucoup de références au niveau de Niamey car l´hôpital ne possédait pas de capacité pour faire une transfusion sécurisée ; MSF a donc doté le district d´une banque de sang. « Comme résultat de l´ouverture de cette banque, il y a eu une réduction de plus de 50% de cas de référence vers Niamey et l'augmentation de transfusion sécurisée au niveau de l'hôpital de Torodi», ajoute-t-il. De mars à décembre, 440 transfusions (Maternité+ SUSI) dont 402 au niveau de la SUSI ont été réalisées ; 318 patients ont été transfusés pour cause de palu grave, forme anémique soit 72% des transfusions.
MSF a également appuyé en Mai les CSI de Torodi et Makolondi en mettant en place trois équipes de cliniques mobiles. Au total 26357 consultations ont été réalisées, dont 14575 cas de paludisme simple traités et 8533 enfants vaccinés.
Déclarant que, les incursions des groupes armés avec des ripostes des forces de sécurités et de défense, FDS, mettent en péril la population civile qui se situe entre un sentiment d´impuissance et de vulnérabilité, le coordinateur terrain du projet de Torodi, indique que, cette situation limite le déploiement des cliniques mobiles dans les communautés, compte tenu des risques encourus par les équipes. Ce qui selon lui, cause un impact négatif sur les bénéficiaires qui ne peuvent pas avoir accès aux soins durant cette période.
Ainsi, Joseph Nyembo résume la problématique de l´accès aux soins des populations dans une zone comme Tillabéri, en ces termes : « Soyons honnêtes, le travail humanitaire dans un contexte d´instabilité sécuritaire comme Tillabéri est limité, nous ne pouvons pas arriver à couvrir les besoins sanitaires de toute la population (déplacés, réfugiés, autochtone) tant souhaités. Car dans un tel contexte, le droit international humanitaire est peu vulgarisé et moins respecté, et c´est là, la limite des actions humanitaires ».