Lors de la signature des "Accords d'Abraham", le 15 septembre 2020, Trump avait déclaré avec l'optimisme têtu d'un vendeur d'appartements en timeshare à Eilat : "Une paix durable va s'installer au Moyen-Orient." Il ajoutait, confiant : "Après des décennies de division et de conflit, nous célébrons l'aube d'un nouveau Moyen-Orient."
Dans cet esprit missionnaire et avec sa gouaille de bonimenteur, Trump affirmait que la signature des Accords marquait "une nouvelle voie" pour l'histoire. Netanyahu, saisonnier des boucheries depuis 1996, faisait mine de partager cet optimisme en déclarant que ces Accords pourraient "mettre fin au conflit israélo-arabe une fois pour toutes". L'ambassadeur américain en Israel, David Friedman, allait même jusqu'à prédire la fin du conflit en quelques mois.
Quatre ans plus tard, les proches des quelques 40000 Palestiniens et des 1200 Israéliens morts depuis octobre à Gaza ne doivent probablement pas partager la conviction que les normalisations ont conduit à la paix prédite. Au contraire, les "Accords d'Abraham" ont exacerbé chez les Palestiniens le sentiment qu'Israël cherchait à les contourner en nouant des alliances dans le monde arabe.
La stratégie de ces normalisations était de chercher la paix en contournant l'obstacle palestinien, par la conclusion d'accords auxquels les Palestiniens ne participent pas. Cela sous-entendait que les méchants Palestiniens étaient l'obstacle à la paix et que leur cause pourrait être ignorée s'ils s'entêtaient à refuser le fait accompli : reconnaître Israël comme un acteur légitime et dominant au Moyen-Orient. L'espoir exprimé par Trump et son gendre Kushner était que les Palestiniens finiraient par prendre le train de la normalisation, à défaut ils resteraient sur les quais de l'histoire.
Malgré des incitations temporaires, telles que la suspension de l'annexion des terres en Cisjordanie, Israël semblait jusqu'à récemment avoir l'œil sur un plus grand chantier : la conclusion d'un accord similaire avec l'Arabie saoudite qui représenterait un tournant majeur pour la région. Cette perspective semble néanmoins s'éloigner. Il se dit même que Mohammed b. Salman craindrait désormais pour sa sécurité s'il venait à conclure un tel Accord.
La poursuite de la normalisation sans résoudre la question palestinienne peut-elle réellement mener à la paix ? L'ouverture d'ambassades dans les capitales arabes est-elle suffisante pour la stabilité de la région, alors même que la perspective d'un État palestinien reste bouchée ? Jusqu'à présent, les "Accords d'Abraham" n'ont pas rempli leurs promesses de lendemains qui chantent. Les pays arabes ayant "abrahamisé" avec Israël n'ont pas obtenu de sa part la moindre concession en faveur des Palestiniens, ni de faire avancer la solution à deux États. Au contraire, le sentiment croissant d'être marginalisés a renforcé la frustration des Palestiniens, contribuant ainsi à l'escalade des tensions, notamment à Gaza.
Par Othman El Kachtoul, Docteur en islamologie (Université de Strasbourg), agrégé d’arabe