L’audit diligenté par le président de la république Issoufou Mahamadou au ministère de la défense nationale continue de susciter des réactions de part et d’autre. Depuis le communiqué du gouvernement en date du 26 février 2020, relatif aux suites à donner aux conclusions provisoires d’un audit du ministère de la Défense nationale et les dispositions urgentes prises, les réactions s’enchainent. Certaines plus opportunistes et spectaculaires du fait de sa teneur.
La Commission Nationale des Droits Humains (CNDH), a salué l’audit diligenté au Ministère de la Défense Nationale, relativement à la traçabilité et à l’efficacité de la dépense publique militaire et a encouragé de ce fait, le Président de la République, Chef Suprême des Armées et le Gouvernement à lui en donner une suite judiciaire. Par ailleurs, la CNDH se félicite des résultats appréciables enregistrés sur le théâtre des opérations, suite à la nouvelle forme de collaboration entre les Forces de Défense et de Sécurité et les forces alliées.
Pour sa part, le Syndicat Autonome des Magistrats du Niger (SAMAN) demande au procureur de la république près le tribunal de grande instance hors classe de Niamey de requérir l'ouverture d'une information judiciaire que toute la lumière soit faite et que les responsables soient situées.
L’Association des Jeunes Avocats du Niger a emboité le pas au SAMAN pour rappeler qu’en l’état actuel de la législation pénale, nulle infraction ne peut être excusée, ni la peine mitigée, que dans les cas et dans les circonstances où la loi déclare le fait excusable et permet de lui appliquer une peine moins rigoureuse (article 50, code pénal ».
Toutefois, l’AJAN reconnait que le remboursement partiel ou total constitue des circonstances atténuantes pouvant aller jusqu’au sursis de la peine qui aura été prononcée contre la personne confondue.
Et, le communiqué du gouvernement s’inscrit visiblement dans la logique de remboursement, démarche pragmatique pour certains car elle consiste à recouvrer l’importante sommes d’argent que l’Etat a perdu dans sa volonté d’équiper les forces de défense et de sécurité.
L’affaire n’étant pas encore judiciaire, le gouvernement a estimé, réaliste de gagner en termes de recouvrement de l’argent spolié et ensuite, de passer à la seconde phase, celle judicaire qui peut s’avérer longue. Surtout quand on sait que certains des concernés sont sous immunité. Ce qui retarde la poursuite devant les juges.
Face à la réaction du Syndicat Autonome des Magistrats du Niger, l’acteur de la société civile et juriste, Lirwana Abdourahamane a estimé sur sa plateforme sociale, qu’au stade actuel de la législation nigérienne, les juges n'ont pas la possibilité de poursuivre, d'interpeller, d'interroger, d'arrêter ou de détenir un Ministre sans lever au préalable son immunité. D'ailleurs un magistrat ne peut même pas écouter un Ministre comme témoins même par écrit ou par téléphone, sans autorisation du chef de Gouvernement et dans ce cas la demande du Magistrat, c'est à dire l'ordonnance ou réquisition doit être motivée.
Pour placer le débat dans contextes, le ministre de la Justice Morou Amadou, dans un point presse a mis à nu la déclaration du SAMAN. Pour lui, il ne s'agit en aucun cas d'un coup porté à la séparation des pouvoirs, à l'indépendance de la justice ou à l'égalité des citoyens devant la loi, comme l'affirme le syndicat. « Le but du gouvernement, c’est de recouvrer tout ce qui a été dissipé », précise le ministre. Et ça, « c’est la loi pénale du Niger qui le dit prioritairement : tous ceux qui remboursent n’encourent que le sursis, en matière de détournement de deniers publics. Nous avons au Niger ce qu’on appelle l’agence judiciaire de l’État qui reçoit l’ensemble des ressources que les uns et les autres ont dissipées. » Quand les sommes à recouvrer sont importantes. Elles sont rarement recouvrées et c'est alors que « le procureur poursuit ceux qui n’ont pas remboursé ». Le Ministre de la Justice Garde des Sceaux, a rappelé que depuis plusieurs années, il en a toujours été ainsi, sur les centaines d’audits opérés.
Selon le ministre «Le SAMAN ignore que le procureur met en œuvre les orientations politiques en matière pénale du gouvernement, sous l’autorité du Ministre de la Justice (…) Le Procureur de la République n’est saisi que par le rapport définitif»
Le ministre de la Justice précise, par ailleurs, que le rapport d'audit n'est pas encore définitif parce que non contradictoire. « À ce stade, il est permis à tous ceux qui reconnaissent qu'ils ont volé l'État du Niger de rembourser. Lorsque le rapport devient définitif, s'ils ne remboursent pas, il est transmis au ministère de la Justice qui le transmet au Procureur général. Ce dernier le transmet ensuite aux procureurs qui donc poursuivent ceux qui n'ont pas remboursé. Même à ce stade-là, le procureur peut demander à l'agence judiciaire de l'État de voir si les parties sont prêtes à rembourser l'argent détourné » explique le ministre Marou Amadou. Ce dernier a indiqué que «c’est une politique qui à la fois protège des abus, réprime et produit des résultats. C’est l’option choisie par le gouvernement qui est seul responsable des politiques qu’il met en œuvre dans l’intérêt du pays. Les objectifs poursuivis, ne sont surtout pas orientés vers des mesures sensationnelles et passionnées, qui plus est dans un secteur sensible comme celui de la défense nationale dont le traitement des questions relevant de sa compétence doit être empreint de tact et de rigueur».
L’assainissement public se poursuit
Rappelons que ce rapport provisoire concerne la gestion 2016-2019 va se poursuivre sur la gestion 2011 à 2016, conformément aux engagements du Président de la République Issoufou Mahamadou qui reste déterminé à poursuivre sa volonté d’assainir. Selon des sources sûres, le processus va se poursuivre jusqu'au bout Pour l’heure, des mesures conservatoires conformes à l'esprit de la loi pénale sur le délit du détournement des deniers ont été prises par le gouvernement.
Pour le comité exécutif du PNDS, il faut placer les choses dans leur contexte et couper cours à la campagne de dénigrement. Dans sa déclaration hier 4 mars 2020, le CEN rappelle que l'audit en question « a été commandé par le Président de la République qui en nommant Issoufou Katambé à la tête du ministère de la défense nationale l'a expressément chargé d'assainir une gestion financière qui manifestement en a grandement besoin selon ce qu'il en savait ». C’est dans le souci se satisfaire aux engagements du président de la république de doter l’armée des moyens de sa mission que cet audit a été diligenté. Le comité exécutif national du PNDS- Tarayya salue l'initiative du président de la République de procéder à cet audit.
Le CEN ne s’arrête pas là, puisqu’il encourage, le président de la république, à traiter ce dossier conformément aux dispositions légales pertinentes. Mieux, le CEN « l'exhorte à lutter de façon implacable contre la corruption et les détournements des deniers publics dans tous les compartiments de l'administration de l'Etat et ses démembrements ».
Aussi, le Comité exécutif national soutient le ministre de la défense Issoufou Katambé et l’encourage à mettre « en œuvre les instructions à lui données par le Président de la République pour assainir la gestion des ressources financières mises à la disposition de son ministère ».