Le Ministre de la Justice et des Droits de l'Homme, Garde des Sceaux, a dans un communiqué, informé l'opinion publique nationale et internationale, que le Président udu Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, Chef de l'Etat, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani a signé le 7 juin 2024 l'ordonnance n° 2024-28 modifiant la loi du 03 juillet 2019 portant répression de la cybercriminalité au Niger.
Cette dernière avait à son adoption en 2019 prévue la peine privative de liberté pour les tous les délits commis par moyen électronique, dont notamment la diffamation, les injures et la diffusion de données de nature à troubler l'ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine : une peine d'emprisonnement de un (1) à trois (3) ans et une amende de un (1) million à cinq (5) millions pour toute personne reconnue coupable de diffamation ou d'injures par un moyen de communication électronique. Il est également prévu une peine de prison de deux (2) à cinq (5) ans et une amende de deux (2) millions à cinq (5) millions en cas de commission de diffusion de données de nature à troubler l'ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine.
La modification opérée à travers l'ordonnance n° 2024-28 du 7 juin 2024, est motivée selon le communiqué pour d'une part rétablir l'équilibre entre la liberté d'expression et la protection des droits individuels et d'autre part pour préserver la tranquillité et la sécurité publiques.
Pourtant, sur une demande forte des organisations de défense des droits humains et des médias, cette loi a été modifiée le 23 juillet 2022, en ses articles 29, 30 et 31 relatifs aux délits de diffamation, d'injures et de diffusion de données de nature à troubler l'ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine, lorsque ces infractions sont commises par un moyen de communication électronique pour retirer la peine privative de liberté. Ceci pour se conformer à l’ordonnance 2010 portant régime de la liberté de presse qui a consacré le principe selon lequel aucun journaliste ne peut, dans l’exercice de ses fonctions, être privé de sa liberté pour délits commis par voie de presse.
La première révision de la loi 2019-33 du 3 juillet 2019 portant répression de la cybercriminalité au Niger a été motivée pour « mettre en harmonie les dispositions de ces deux (2) textes de lois par la suppression de la peine d’emprisonnement encourue en cas de délits commis par un moyen de communication électronique notamment l’injure et la diffamation ».
Ainsi, à travers cette révision, la loi revient à sa forme initiale adoptée en 2019 et qui sanctionnait tous les délits commis par un moyen électronique par une peine privative de liberté. C’est donc un retour à la case de départ.
Une des raisons ayant conduit à la réhabilitation des peines privatives de liberté est selon le communiqué « (…) la prolifération à travers les réseaux sociaux de propos diffamatoires, injurieux et la diffusion des données de nature à troubler l'ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine et ce malgré les appels à la retenue lancés par des membres du Gouvernement et les parquets généraux ».
Le Ministre de la Justice en appelle donc à la vigilance et à la responsabilité dans l'utilisation des médias et des plateformes numériques. « Les citoyens, les journalistes, les professionnels de la communication doivent respecter les droits de chacun, veiller à ne pas porter atteinte à la réputation et la dignité d'autrui et s'abstenir de diffuser des données de nature à porter atteinte à l'unité nationale ou à l'ordre public ».
A travers cette révision, les autorités font montre d’une détermination à sévir contre tout auteur de ce genre d'actes, précise le communiqué. D’où cet appel à la vigilance et à la responsabilité lancé par le ministre de la justice, aux utilisateurs des médias sociaux, aux journalistes, aux communicateurs quant au respect des droits des citoyens.
Quelle alternative pour mieux protéger les journalistes et les lanceurs d’alerte ?
La nouvelle révision qui réhabilite les peines privatives de liberté en cas de délits commis par un moyen de communication électronique met fin à l’harmonie entre les dispositions de ces deux (2) textes de lois : L’ordonnance 2010-035 du 04 juin 2010 portant régime de la liberté de presse au Niger qui a consacré la dépersonnalisation et l'ordonnance n° 2024-28 du 7 juin 2024 portant la répression de la cybercriminalité au Niger.
Les journalistes, les communicateurs et les utilisateurs des médias sociaux sont mis dos à dos, exposés aux peines encourues en cas de manquements mentionnées aux articles 29 ; 30 et 31 de cette ordonnance et qui sont relatifs à la diffamation ; aux injures et de diffusion de données de nature à troubler l'ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine par un moyen de communication électronique.
Afin d’harmoniser les textes de loi en matière de la presse et pour mieux favoriser la libre expression y compris par voie électronique, il est plus que crucial d’envisager l’adoption de deux textes majeurs en matière de la communication électronique. Il s’agit de la loi sur la presse électronique et celle sur la protection de lanceurs d’alerte.