Mohamed A. El-Erian, président du Queens’ College de l’Université de Cambridge, et professeur à la Wharton School Université de Pennsylvanie
ÉDIMBOURG – Les institutions de Bretton Woods – Fonds monétaire international et Banque mondiale – ont désormais 80 ans. Or, jamais au cours de leur histoire elles n’ont été plus mal financées et insuffisamment soutenues par les gouvernements nationaux qu’aujourd’hui. Cette situation constitue sans doute le signe le plus évident de la fragmentation du multilatéralisme économique et financier parallèlement à celle de l’économie mondiale.
Pire encore, cette fragmentation intervient en période de montée des tensions internationales, de fragilité financière, de croissance laborieuse, de pauvreté croissante, ainsi que de factures de reconstruction qui ne cessent de s’alourdir à Gaza, au Liban, en Ukraine et ailleurs.
Ces deux institutions sont dirigées par des responsables conscients de la nécessité urgente de procéder à des réformes pour pouvoir relever les défis actuels. Ces dirigeants manquent cependant de soutien de la part de leurs souverains politiques : les plus importants pays actionnaires, dont les votes sont indispensables pour qu’une réforme ait lieu. Afin de surmonter les problèmes de coordination internationale de longue date qui mettent à mal les efforts de réforme, il est nécessaire qu’un G20 reconfiguré prenne les devants. Occupant actuellement sa présidence, le Brésil est idéalement positionné pour accomplir d’importantes avancées.
Les coûts du sous-investissement
Bien entendu, la puissance financière constitue seulement une mesure de l’efficacité de nos institutions multinationales, mais une mesure importante dans notre monde actuel. Les ressources disponibles pour le FMI représentent moins de 1 % (précisément 0,85 %) de l’économie mondiale. Or, en tant que prêteur de dernier recours, en tant que filet de sécurité pour le monde, il est censé traiter les difficultés de 191 États membres, et participer à la réponse mondiale à un certain nombre de problématiques « non traditionnelles » et « nouvelles » telles que le changement climatique, les disparités entre les sexes, et les inégalités.
Ce sous-financement s’inscrit en contradiction avec les intentions des fondateurs du FMI, conduits par le Royaume-Uni et les États-Unis. À sa création, le Fonds pouvait puiser dans des ressources équivalentes à environ 3 % du PIB mondial pour contribuer à la résolution des problèmes monétaires et des difficultés de balance des paiements de seulement 44 États. Depuis, le nombre de pays membres du FMI a été multiplié par quatre, tandis que ses ressources ont diminué de plus de deux tiers par rapport au PIB. Cette érosion se reflète dans la perte d’influence mondiale du Fonds, et dans l’affaiblissement de sa capacité à résoudre les cas difficiles de certains États.
Prenons quelques exemples. Il y a une quarantaine d’années, lors de la restructuration fondamentale de la dette du Mexique, le FMI a promis un tiers de ce dont le Mexique avait besoin, en s’attendant à ce que les créanciers commerciaux contribuent au reste. Cette capacité financière lui a ensuite permis de pousser le secteur privé à accepter une solution consistant à échanger une partie des créances contractuelles des prêteurs sur le Mexique contre de meilleures perspectives de viabilité financière.
Gordon Brown, ancien Premier ministre du Royaume-Uni, est envoyé spécial des Nations Unies pour l’éducation mondiale
Par opposition, après le défaut de paiement de la Zambie en 2020, le FMI a couvert moins de 10 % des besoins de financement du pays. Malgré ce soutien, la Zambie a lutté pendant quatre ans pour conclure des accords de restructuration avec ses créanciers. Bien que le défi s’explique dans une certaine mesure par la composition changeante des créanciers privés et publics, il réside également en grande partie dans l’efficacité réduite de l’approche « de la carotte et du bâton » appliquée par le Fonds.
Un monde dangereux
C’est un défi de taille pour une institution qui joue également un rôle essentiel de surveillance et d’assistance technique, en tant que point d’ancrage du filet de sécurité financière international (aux côtés de lignes de swap bilatérales et d’accord régionaux ponctuels plus étroitement ciblés). Comme nous l’expliquons dans Permacrisis (co-écrit avec Michael Spence et Reid Lidow), plusieurs raisons portent à croire que les chocs du type de ceux que nous avons connus récemment (du COVID-19 jusqu’aux guerres d’Ukraine et de Gaza) deviendront de plus en plus fréquents et violents dans les années à venir, notamment en raison du défi climatique. L’insuffisance perturbante des filets de sécurité actuels, en particulier pour les pays et segments de la société les plus vulnérables, constitue une source supplémentaire de fragilité et d’instabilité.
Malgré ces défis croissants, les ressources du FMI demeurent inférieures aux niveaux historiques, et la dernière révision des quotas n’a pas permis d’augmentation nette de sa capacité de prêt. Entre mars 2020 et mars 2023, le FMI a engagé 191 milliards $ (et déboursé moins de 75 milliards $) sur sa base de ressources de mille milliards $.
Le rôle du Fonds sur le plan de la surveillance est également confronté à des défis majeurs. Conçue comme un outil de prévention des crises pour les États dans leur individualité et pour le système dans son ensemble, la surveillance par le FMI a échoué au fil des décennies à prévoir et à encadrer correctement les chocs économiques. Les dirigeants politiques nationaux ont certes eux aussi manqué de clairvoyance. Certains échecs sont compréhensibles, par exemple en ce qui concerne la pandémie. D’autres, en revanche, tels que les perturbations sur les chaînes d’approvisionnement et l’explosion de l’inflation qui a suivi, auraient pu être prévus et faire l’objet de meilleures analyses. Ces lacunes constituent autant d’arguments en faveur de nouveaux investissements dans un système de surveillance plus efficace.
La Banque mondiale est encore moins bien dotée en ressources face aux responsabilités climatiques supplémentaires qui lui ont été confiées. Dans un rapport commandé l’an dernier par la présidence indienne du G20, les co-présidents Lawrence H. Summers et N.K. Singh font valoir la nécessité pour les banques multilatérales de développement (BMD) de multiplier par trois leurs prêts d’ici 2030, pour atteindre environ 400 milliards $ par an. Or, en 2023, les fonds alloués aux pays à revenu faible et intermédiaire représentaient seulement 0,07 % du PIB mondial. Les 73 milliards $ affectés à la Banque mondiale pour l’exercice 2023 constituent le plus faible engagement en faveur du développement dans toute l’histoire de l’institution.
Le grand délitement
Le FMI et la Banque mondiale ne sont pas les seuls à rencontrer ce type de difficultés. Nous assistons actuellement à un effondrement plus large et de plus en plus préoccupant du multilatéralisme, au moment même où les problèmes communs au monde entier ne peuvent être résolus qu’au moyen d’une coordination et d’une action collective.
Les BMD actuelles, banques régionales de développement incluses, fournissent des prêts équivalents à seulement 0,5 % du revenu national brut des pays en voie de développement, par rapport à un pic de 0,7 % dans les années 1990. De même, l’Organisation mondiale du commerce est aux prises avec un règlement trop légaliste, fondé sur des juges, qui a été imposé au plus fort du néolibéralisme dans les années 1990. Son efficacité a toujours reposé sur la négociation, la conciliation et l’arbitrage. Or, ces approches ont cédé la place aux rivalités géopolitiques et à l’unilatéralisme au cours des dernières décennies.
Intervient ensuite le cas de l’Organisation mondiale de la santé. Tandis que l’objectif de reconstitution des ressources de l’OMS s’élève à 11 milliards $, seulement 4 milliards $ sont garantis, et son budget annuel ne dépasse pas celui d’hôpitaux de taille moyenne aux États-Unis. En privant l’OMS des ressources dont elle a besoin, tout en lui demandant de traiter de nouvelles problématiques sanitaires, dont le bien-être de manière générale, nous nous privons nous-mêmes des bienfaits d’une institution mondiale, qui peine à financer ses missions même les plus élémentaires.
Enfin, la création du G20 a constitué une décision judicieuse face à la prise de conscience d’une situation dans laquelle le G7 n’était plus le visage de l’influence et de la puissance économiques mondiales. En réunissant des États représentatifs d’environ 80 % du PIB mondial, le G20 apparaissait comme le mieux placé pour contribuer à la prévention ou à la gestion de crises systémiques du type de celle des années 2008-2010.
Or, malgré son potentiel évident, le G20 fonctionne sans structure susceptible de garantir la continuité et l’efficacité. Par ailleurs, le G20 incluant la Russie et la Chine, les États-Unis préfèrent toujours travailler avec le G7, que l’actuel conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, considère comme le « comité directeur du monde libre », bien que les pays du G7 ne représentent aujourd’hui plus que 43 % du PIB mondial.
La voie multilatérale sinon rien
Souvent qualifiée de « Bretton Woods 2.0 », une ambitieuse approche de réforme des institutions multilatérales mondiales a peu de chances de voir le jour. Des avancées progressives sont en revanche possibles. Initiative après initiative, une masse critique peut être atteinte, susceptible d’améliorer le bien-être de nombreux pays et populations, voire de la majorité d’entre eux.
L’OMC devrait par exemple se concentrer sur la mise à profit des compétences indéniables de sa directrice générale actuelle, Ngozi Okonjo-Iweala, pour résoudre les différends commerciaux via la conciliation, l’arbitrage et la négociation. Cela marquerait un changement par rapport à son système de recours juridiquement rigide, fondé sur des juges, et désormais dysfonctionnel.
De même, conduit par une directrice générale tout aussi charismatique, le FMI peut accroître ses contributions à la prévention et à la résolution des crises, en s’appuyant sur son rôle de système mondial d’alerte précoce. Cela signifie également répondre à toute crise future avec davantage de moyens financiers, en mobilisant les capacités de prêt pour renforcer la résilience face aux chocs économiques, afin de négocier un bien meilleur mécanisme de restructuration de la dette souveraine, et ainsi de créer un filet de sécurité financière mondial plus complet, appliquant une conditionnalité limitée en cas de chocs exogènes majeurs.
Si les pays à revenu élevé disposent de la capacité d’emprunt et des réserves nécessaires pour faire face à la plupart des chocs, ce n’est pas le cas de certains marchés émergents, et les pays à revenu faible sont encore plus exposés, compte tenu de leurs réserves limitées ainsi que de leur importante vulnérabilité à une potentielle perte d’accès aux marchés financiers. Confrontés à la menace de défauts de paiement souverains ainsi qu’à une décennie perdue sur le plan du développement, de trop nombreux pays endettés ont recherché des moyens alternatifs pour échapper à ce qu’ils perçoivent comme des conditions trop sévères imposées par les prêteurs multilatéraux. Seulement voilà, pour éviter le défaut de paiement, de nombreux États ont réalloué leurs dépenses initialement destinées à la santé et à l’éducation. Constat tragique, 3,3 milliards de personnes vivent aujourd’hui dans des pays qui dépensent davantage pour le paiement des intérêts d’emprunt que pour financer ces deux services essentiels.
Il est également nécessaire que les institutions de Bretton Woods contribuent à répondre aux besoins urgents des pays en voie de développement en matière d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Si tel n’était pas le cas, non seulement le bien-être de plusieurs dizaines de millions de personnes se trouverait menacé, mais des répercussions transfrontalières négatives s’observeraient également, notamment au travers de pressions migratoires. Les deux institutions ont pris un certain nombre de mesures pour répondre à un besoin de financements extérieurs annuels des pays en voie de développement (à l’exclusion de la Chine) de 1 000 milliards $ d’ici 2030. La Banque mondiale a par exemple mis en place des obligations dites « catastrophe bonds » pour venir en aide aux pays dévastés par un nombre croissant de catastrophes naturelles. De son côté, le FMI a créé un Fonds pour la résilience et la durabilité, une facilité de prêt alimentée par des réallocations volontaires de droits de tirage spéciaux (DTS, l’actif de réserve du FMI). Ces interventions ne sont malheureusement pas suffisantes.
La Banque mondiale concentre certes désormais 41 % de ses prêts sur des projets liés au climat, et sa récente déclaration de mission insiste sur l’importance d’une « planète vivable ». Néanmoins, sans une augmentation significative de ses ressources globales, ce nouvel accent placé sur le changement climatique pourrait l’être au détriment des investissements dans le capital humain ainsi que de ses efforts traditionnellement consacrés au développement, à moins que les pays riches n’apportent davantage de fonds. Il n’existe pas de raccourci.
Pour revitaliser les institutions multilatérales mondiales, la clé consiste à réformer leur gouvernance, afin que soient reflétés les immenses changements survenus dans la configuration de l’économie mondiale au cours des dernières décennies. La structure actionnariale du FMI et celle de la Banque mondiale, de même que la procédure obsolète d’attribution des postes de direction en fonction de la nationalité, ne sont plus en phase avec les réalités actuelles.
Encore aujourd’hui, 59,1 % des droits de vote au FMI sont exercés par des États qui représentent seulement 13,7 % de la population mondiale. L’Inde et la Chine, les deux économies émergentes les plus importantes et les plus influentes au monde, ne détiennent qu’une part combinée de 9 %. Sans changement en la matière, une institution censée s’attaquer aux plus grands problèmes économiques et financiers de la planète ne pourra que susciter des doutes dans la plupart des pays du Sud quant à sa légitimité, son équité et son efficacité.
Les éléphants dans la pièce
Parmi les difficultés qui font obstacle à des avancées, cette inadéquation de la gouvernance ne constitue pas le seul problème hérité. Il est nécessaire d’accomplir davantage, et rapidement, pour traiter la question de la dette et des coûts de service de la dette excessifs des 79 pays à revenu faible et intermédiaire considérés en situation de détresse ou à risque élevé de détresse. La situation exige un plan d’allègement de la dette qui soit complet, durable et aligné sur des incitations, notamment via le reprofilage des prêts existants, les échanges de dette et les garanties de crédit.
Premièrement, les États membres du FMI doivent renforcer la capacité du Fonds à fournir des allocations annuelles régulières de son instrument financier « interne » aux pays surendettés mais appliquant une bonne gestion. Bien que 650 milliards $ en DTS aient été alloués en 2021, seulement 21 milliards $ l’ont été à des pays au revenu le plus faible, qui en avaient le plus besoin. Les règles relatives aux allocations de DTS doivent être fondamentalement repensées, et la redistribution rendue plus automatique, si nous entendons pouvoir utiliser ce canal face aux chocs systémiques futurs.
Deuxièmement, l’amélioration du fonctionnement du Cadre commun pour les traitements de la dette nécessitera une coopération plus étroite avec le gouvernement chinois et les créanciers privés. Il faut à la fois revoir les incitations et le sanctions. L’alternative – négociations prolongées, accords parallèles et restructurations incomplètes – n’offre bien souvent que des avantages limités, et peut créer des abus. En plus de retarder les solutions globales, ces ajustements temporaires peuvent compliquer encore davantage la phase suivante des restructurations.
Troisièmement, le FMI doit répondre au sentiment d’injustice autour des conditions imposées aux pays les plus pauvres lorsqu’ils sollicitent un allègement. Fort heureusement, sa directrice générale est parfaitement consciente de la nécessité de réduire les taux d’intérêts prohibitifs qui sont facturés aux pays à revenu intermédiaire. En 2020, dix pays faisaient face à des majorations imposées par le FMI ; en 2023, ce nombre avait déjà plus que doublé, atteignant 22, en raison de la pandémie, du conflit en Ukraine et de la hausse des taux d’intérêt. Ajoutez à cela un taux d’emprunt de base du FMI qui est passé de moins de 1 % à près de 5 %, faisant grimper jusqu’à 7,8 % le taux global pour les pays concernés par des majorations. La récente révision du FMI s’agissant de sa politique de majoration offre désormais une base propice à des changements qui ne compromettraient pas son statut de créancier privilégié.
Enfin, par mesure de prévention, les gouvernements doivent se réunir pour mettre en place un filet de sécurité financière mondial qui soit équitable. Comme l’a fait valoir Masood Ahmed, président émérite du Center for Global Development, il est nécessaire d’établir « une facilité du FMI distincte et identifiable, susceptible d’être déclenchée par un choc systémique défini, et de fournir des ressources à tous les marchés émergents et pays à revenu faible en règle », sans les pénalités associées aux majorations excessives.
Quant à la Banque mondiale, son président dynamique, Ajay Banga, a débuté son mandat bien déterminé à mener des réformes, et prend la bonne direction à travers le lancement du Fonds pour une planète vivable, axé sur le capital humain et sur la gestion environnementale. Cette initiative nécessite cependant davantage de ressources, et Banga appelle légitimement à la plus grande reconstitution de ressources jamais réalisée concernant l’Association internationale de développement, qui fournit des subventions et prêts concessionnels aux pays les plus pauvres.
Étant donné le nombre croissant d’individus pauvres à travers le monde – 700 millions de personnes désormais – nous ne pouvons pas nous contenter de moins. Le rapport Summers/Singh du G20 appelle non seulement les banques multilatérales de développement à fournir 260 milliards $ supplémentaires chaque année, mais encourage également l’utilisation élargie d’outils financiers innovants tels que les garanties, les instruments de réduction des risques et le capital hybride.
La réforme ou le déclin
Le G7 ne saurait constituer le comité de pilotage permanent d’une économie mondiale à laquelle ses membres participent en minorité. Le G20 doit par conséquent devenir ce qu’il était censé être : le principal forum de la coopération économique mondiale, y compris en ce qui concerne la promotion de la réforme des institutions multilatérales. Un système plus juste devra toutefois être établi pour conférer un rôle aux pays de moindre envergure, dans un cadre basé sur la représentation. Un secrétariat professionnel devra également être créé pour assurer la continuité d’une année sur l’autre.
La présidence brésilienne du G20 a d’ores et déjà fixé trois priorités majeures pour la réunion du mois de novembre : lutter contre la faim, la pauvreté et les inégalités ; promouvoir le développement durable ; et réformer la gouvernance mondiale. Ces trois objectifs pourraient ouvrir la voie à une décennie nouvelle de coopération plus efficace, le troisième offrant en particulier l’opportunité de surmonter les problèmes de coordination entre les États, difficultés qui font obstacle aux changements nécessaires au FMI et à la Banque mondiale. Nous savons ce qu’il convient d’accomplir, et pourquoi. Dirigé de manière adéquate, ce G20 pourrait répondre à la difficile question du « comment ».
Les grandes refontes du système international et de ses institutions surviennent généralement seulement après un effondrement complet de l’ordre existant. C’est ainsi que l’équilibre des puissances après 1814 est apparu à l’issue de la défaite de Napoléon ; que le système de Versailles après 1918 a émergé à l’issue de la chute de cinq empires dynastiques, qui se sont brisés en dizaines de nouveaux États-nations ; que l’architecture post-1945 a fait suite à la défaite de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon ; et que le « nouvel ordre mondial » libéral qu’évoquait George H.W. Bush a dû attendre l’effondrement de l’URSS et du pacte de Varsovie pour voir le jour.
Le défi urgent d’aujourd’hui consiste à opérer la transition vers un cinquième ordre mondial sans subir de rupture dommageable. Pour être légitime, cet ordre devra tenir compte de l’actuel réalignement mondial de la puissance économique et politique, et en particulier des ambitions du Sud global. Pour porter ses fruits, il devra non seulement être stable et juste, mais également durable et ouvert à une action collective efficace.
Deux chemins s’offrent à nous. L’un conduit à toujours plus de fragmentation mondiale ainsi qu’à des crises de plus en plus profondes. L’autre nous offre une chance de poursuivre une prospérité à la fois individuelle et commune, au travers de solutions conjointes à des problèmes qui nous concernent tous. Le choix apparaît évident.
Gordon Brown, ancien Premier ministre du Royaume-Uni, est envoyé spécial des Nations Unies pour l’éducation mondiale, et président du comité de direction de haut niveau du fonds Education Cannot Wait. Mohamed A. El-Erian, président du Queens’ College de l’Université de Cambridge, et professeur à la Wharton School de l’Université de Pennsylvanie, est l’auteur de l’ouvrage intitulé The Only Game in Town: Central Banks, Instability, and Avoiding the Next Collapse (Random House, 2016), et coauteur (avec Gordon Brown, Michael Spence et Reid Lidow) de Permacrisis: A Plan to Fix a Fractured World (Simon & Schuster, 2023).
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