Hebdomadaire Nigérien d'Analyses et d'Informations Générales

 

eleveurs

 

Au Niger, les conflits entre agriculteurs et éleveurs constituent une problématique majeure exacerbée par la pression croissante sur les ressources naturelles. Ces affrontements, souvent liés à des enjeux fonciers traduisent une lutte pour l’accès à la terre et à l’eau, des ressources vitales pour deux groupes dont les modes de subsistance sont interdépendants mais souvent incompatibles.

 champ

 

Dans le département de Boboye, situé dans la région de Dosso, ce phénomène prend une ampleur particulière malgré qu’il dispose de treize (13) aires de pâturages dans les communes de Kankandi, Fabidji et Fakara. Ce territoire, riche en terres arables et traversé par des couloirs de transhumance est le théâtre de tensions récurrentes entre agriculteurs et éleveurs. Entre janvier et septembre 2024, le département a enregistré 43 conflits, dont 26 impliquant directement ces deux ligues, selon le secrétaire permanent de la commission foncière locale. Ces chiffres traduisent une escalade des tensions, souvent alimentée par la croissance démographique, le changement climatique et une gestion foncière parfois défaillante. Ces conflits, de plus en plus fréquents et violents, mettent en péril non seulement les moyens de subsistance des communautés, mais également la stabilité sociale et économique de la région.
Cartographie
Quelques cas de conflit que rencontrent les communes
Le cas d'un chef d'un village qui a sollicité les compétences de la Commission Foncière de Base (COFOB) en vue d’obtenir une réparation suite à un dégât champêtre orchestré dans son entité. Après plusieurs tentatives de conciliation restées vaines, celui-ci a saisi le Tribunal de Première Instance du Département de Boboye où le dossier est reçu et enrôlé pour le 03 novembre 2024. En l’espèce, il s’agit d’une dispute entre agriculteurs et éleveurs de ladite localité. A l’origine du conflit, des dégâts commis dans 14 champs appartenant à un agriculteur par des animaux de la communauté des éleveurs de Woudé Ali Dourfaye, un village voisin. Un comité d’évaluation des dégâts envoyé sur le terrain sous les auspices du chef de village a fixé le montant de la réparation du dommage à un million cinq cent mille francs CFA (1 500 000 FCFA).
De ces faits, un conflit sanglant entre agriculteurs et éleveurs éclate dans la Commune Rurale de Kiota et occasionna des blessures parmi les agriculteurs. Au fait, les propriétaires de ces terres ont agressé le propriétaire des animaux qui ne reconnaît pas que c’est son bétail qui est à l’origine des dégâts déplorés. Dans la Commune rurale de Kiota précisément au village de Tombo Gabdakoy, on note un autre cas de conflit champêtre au cours duquel un agriculteur a volontairement exercé des violences sur un troupeau d’animaux, provoquant neuf (9) trépas de chèvres. Lors de la tenue de la tribune foncière du 30 septembre 2024 dans la commune rurale de Koygolo, le Secrétaire Général Adjoint du Gouvernorat de Dosso, Monsieur Azizou Halidou, a déclaré qu’au cours de l'année 2023, la région de Dosso a enregistré plus de deux cent conflits opposants les agriculteurs aux éleveurs dont 18 affrontements violents se singularisant par des décès allant de 10 à 20 personnes et ce, malgré l'existence d’un Schéma d'Aménagement Foncier Municipal de la région. Et, 26 affrontements pour le département de Boboye.

données dosso

 

Selon lui, ces conflits fragilisant la cohésion sociale dénotent une hausse significative des affrontements ces deux dernières années. Par exemple, dans la commune rurale de N’gonga à Kanaré, un affrontement en novembre 2024 s’est soldé par un blessé grave qui est évacué à l’Hôpital régional de Dosso, suite à une dispute pour non-respect de la date de libération des champs. Des témoignages recueillis sur place révèlent une situation de méfiance généralisée entre les communautés. Aussi, la commune fait toujours face à des scènes de menace et d’attaque entre ces acteurs. Ainsi, pour pallier cette situation délicate, l’administrateur délégué de ladite commune a initié une caravane de sensibilisation à l’intention des agriculteurs et éleveurs en vue de renforcer la cohésion sociale pour une cohabitation pacifique et la gestion de conflit entre agriculteurs et éleveurs dans la commune de N’gonga. Lors d’une interview accordée à la radio studio kalangu du Niger, l’ancienne maire de la commune rurale de Koygolo, Mme Biba Seyni, déplore également un décès à la suite d’une dispute au cours de l’année 2023 dans sa commune.
Les causes profondes de cette guéguerre
La commission foncière joue un rôle central dans la gestion des conflits entre agriculteurs et éleveurs. Lors d’un entretien avec le Secrétaire Permanent de la Commission Foncière Départemental de Boboye, Monsieur Oumarou Boubé, ce dernier a évoqué les principaux facteurs de tension en les regroupant en trois (3) catégories. Le grignotage des aires de pâturage, l’obstruction des couloirs de passage et les dégâts champêtres.
S’agissant du grignotage des aires de pâturage, malgré la protection des espaces de pâturages par le Code rural, ces zones subissent une pression croissante due à l’extension des activités agricoles du fait de l’accroissement de la population. Selon le Secrétaire Permanent Monsieur Oumarou Boubé, l’érosion de ces espaces est l’un des principaux motifs des conflits entre les deux communautés. Les agriculteurs, en quête de terres fertiles, empiètent progressivement sur ces zones réservées, parfois même en défrichant illégalement des espaces pastoraux.
Un autre problème majeur évoqué par le SP COFODEP concerne les couloirs de passage destinés à la transhumance. Ces voies censées permettre aux troupeaux de se déplacer librement entre les zones de pâturage et les points d’eau sont fréquemment obstruées. C’est ainsi que certains agriculteurs cultivent directement dans les couloirs pastoraux, souvent par ignorance ou par manque de terres disponibles. Parfois, il s'agit de constructions ou de clôtures qui bloquent complètement le passage des troupeaux, a expliqué M. Omar Boubé. Cette obstruction a de graves conséquences, notamment les conflits violents : « Les éleveurs frustrés ne pouvant pas accéder à leur zone de destination finissent par traverser les champs ; ce qui provoque des dégâts et des affrontements. Les dégradations des conditions de vie des éleveurs, l’absence de couloirs fonctionnels compliquent la transhumance et mettent en péril la survie des troupeaux », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, le SP de la COFOB a rappelé que l’article 73 du code rural stipule que quiconque s’est rendu coupable d’obstruction des voies d’accès aux eaux de surface relevant du domaine public de l’Etat ou des collectivités territoriales en zone agricole, d’obstruction ou de mise en exploitation d’une aire de pâturage, d’une piste, d’un chemin ou d’un couloir de passage ainsi que tout empiètement quelconque sur ceux-ci, est puni d’un emprisonnement de quinze (15) jours à trois (3) ans et d’une amende de dix (10 .000) francs CFA à cent mille (100.000) francs CFA ou de l’une de ces deux peines seulement.
Enfin, le COFODEP a insisté sur les dégâts champêtres, souvent perçus comme l’élément déclencheur des affrontements entre agriculteurs et éleveurs. Ces dégâts surviennent lorsque les troupeaux en quête de nourriture ou d’eau entrent dans des champs cultivés et détruisent les récoltes. Les dégâts champêtres constituent pour la plupart des cas les causes des conflits entre agriculteurs et éleveurs. Ce sont des incidents visibles et immédiats qui suscitent une colère rapide chez les agriculteurs. Dans certains cas, cela conduit directement à des affrontements physiques," a-t-il expliqué. D’autres problèmes non moins importants qui provoquent ces conflits sont l’insuffisance des aliments bétails devenus rares du fait de leur commercialisation et les difficultés que rencontrent les éleveurs au cours de la transhumance. Ces facteurs obligent souvent les éleveurs à remonter très tôt. À ces problèmes, s’ajoutent aussi l’occupation des terres réservées à l’élevage, les champs pièges et l’ignorance des textes qui régissent les rapports entre les acteurs ruraux. Ce qui provoque l’occupation des couloirs de passage par les agriculteurs qui sèment dans ces espaces.

Les causes sous-jacentes des dégâts champêtres
Un éleveur rencontré à Fabidji, a partagé son expérience. « Il y a quelques années, nous avions un couloir clair pour accéder jusqu’aux aires de pâturages. Aujourd’hui, des champs de mil et sorgho nous bloquent. Nous sommes obligés de contourner, ce qui fatigue les animaux et cause des disputes avec les agriculteurs ». Quant aux agriculteurs malgré l'existence malgré la disposition de l’article 75 du code rural stipulant la punition d’un emprisonnement de quinze (15) jours à trois (3) ans et d’une amende de dix mille (10.000) francs CFA à cent mille(100.000fr) francs CFA ou de l’une de ces deux peines seulement, ceux qui ne respectent pas les dates de fermeture et de libération des champs”, ils sont confrontés à la descente brusque des animaux. Un agriculteur nommé Ali Seydou domicilié à la commune urbaine de Birni N’gaouré, dénonce la descente précoce des éleveurs dans les champs. “ C’est vrai que la majorité des animaux qui causent les dégâts appartiennent aux peuls provenant du Nigéria, Bénin voire Cameroun, mais nos chers voisins éleveurs profitent parfois de leur arrivée pour laisser champs libres à leur troupeau tout en sachant que nous récoltons pour la survie de nos familles”, a-t-il dénoncé.

Balkissa Ibrahima Mahamane

Ajouter un Commentaire


Code de sécurité
Rafraîchir

Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

Articles similaires

RCCM/NI/A/971 NIF:19086/S

  •  

    +227 90 69 50 56

  •  

    +227 96 29 07 20

  •  

    Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

  •  

    Derrère Grand Marché, Niamey - Niger

Newsletter

Recevez les meilleurs articles dans votre courrier électronique et ne manquez jamais l'actualité importante d'ici et d'ailleurs.