Depuis l’annonce de la suspension de l’USAID, organisme américain qui finance des actions de développement particulièrement en Afrique, une avalanche des réactions se constate sur le continent dans un mélange de mélancolie et de réplique. Certaines réactions pour inviter les dirigeants africains à plus de résilience et d’initiatives pour un rejet définitif de l‘aide au développement dans sa forme jusque-là en cours.
« Ensemble des financements apportés par les acteurs publics des pays les plus favorisés pour améliorer les conditions de vie dans les pays moins favorisés.» Pourtant, l’aide au développement dans sa forme, pose un véritablement camouflet au développement des pays bénéficiaires. « Le passage d’un modèle insoutenable d’aide sans fin à un système qui favorise l’entreprise locale et l’autodétermination n’est pas seulement souhaitable, il est essentiel », écrit, dans une tribune, publiée par le site Semafor, le Ghanéen Gregory Rockson, cofondateur de la société mPharma, spécialisée dans l’offre de médicaments abordables.
Fin janvier, l’ancien président kényan Uhuru Kenyatta interpellait les dirigeants africains par rapport à l’attachement à l’aide publique au développement particulièrement celle américaine en ces termes « cesser de se reposer sur l’argent des contribuables américains ». C’est un appel à se réveiller, lançait-il sans fard. « Au lieu de pleurer, il faut se demander : qu’allons-nous faire pour nous aider nous-mêmes ? » a-t-il ajouté.
Une démarche que prône Donald Kaberuka, ancien de la Banque africaine de développement, « l'Afrique doit réduire la dépendance vis-à-vis de l'aide et favoriser de nouvelles sources alternatives de financement du développement».
La critique de l’aide publique est d’autant plus intéressante lorsqu’elle émane des spécialistes. Pour l’économiste Zambienne, Dambisa Moyo, ancienne employée de la Banque mondiale, l'assistance financière a été et continue d'être pour une grande partie du monde en développement, un total désastre sur le plan économique, politique et humanitaire. Entre 1970 et 1988, quand le flux de l'aide à l'Afrique était à son maximum, le taux de pauvreté des populations s'est accru de façon stupéfiante: il est passé de 11% à 66%. Explique-t-elle dans son livre intitulé ‘‘l'aide fatale’’.
L’apport de l’aide au développement est beaucoup plus nuancé dans certaines études. C’est le cas du rapport de Panel de Haut Niveau sur la Sécurité et le Développement au Sahel, présidé par Issoufou Mahamadou, ancien président de la république du Niger. L’aide publique est aussi « un élément de double comptage, de sur-prescription des bailleurs de fonds, de procédures complexes, de manque d’harmonisation et de faible appropriation par les pays bénéficiaires», indique le rapport avant de préciser que « la dépendance envers les financements extérieurs peut créer des défis, en terme de souveraineté ».
Des difficultés somme toute liées aux comportements des pays bénéficiaires dont la gouvernance est trop souvent associée au gaspillage et à la corruption, à l’enrichissement d’élites peu soucieuses de l’intérêt collectif.
D’où la mise en place des mécanismes (procédures complexes) de contrôle par les donateurs avec pour conséquence la faible appropriation des fonds.
Toutefois, pour certains experts, une aide efficace doit être conçue dans l’optique de, soit de renforcer, et non pas remplacer, l'énergie et les capacités nationales ; et mettre en place, et non pas remplacer, les sources alternatives de financement du développement.
Comment se détacher de l’aide publique au développement ?
La stratégie développée et recommandée par le Panel de Haut Niveau sur la Sécurité et le Développement au Sahel est celle-ci : « que les pays s’approprient leurs ressources naturelles et créent les conditions d’une croissance moyenne annuelle du PIB de 7% grâce notamment à la restructuration et à la diversification des économies à travers la création des chaînes de valeur ».
Aussi, de porter progressivement le taux de pression fiscale à 25 % du PIB. Sur la base d’un tel taux, un pays comme le Nigéria aurait pu mobiliser plus de 110 milliards de dollars, en 2022, au lieu de 29,5 milliards de dollars rapporte le rapport dressé par le Panel de haut niveau.
L’ensemble des pays de la région aurait pu mobiliser un peu plus de 248 milliards de dollars au lieu de 119 milliards de dollars. Donc il existe un immense gisement de ressources fiscales pour les Etats: il faut être capable de l’exploiter.
Toutefois, l’option d’accroitre la pression fiscale est d’autant plus risquée qu’il faille pour les dirigeants opposer la bonne gouvernance pour convaincre les populations. « Pour élargir leur assiette fiscale, les Etats africains ont besoin de convaincre les citoyens que leurs impôts seront utilisés dans l'intérêt public. Beaucoup d'observateurs considèrent ce contrat implicite entre l'État et le citoyen comme fondamental pour le développement démocratique", a dit M. Kaberuka.